Les inconnus qui vous parlent dans la rue
Nous étions en train de déguster un savarin lorsqu’une dame se mit à nous parler. La conversation fut enclenchée par un « Ah oui, c’est bon ça ! » Cette dame incroyable nous a fait voyager en nous racontant qu’elle était archéologue spécialisée dans les maladies anciennes. Mais que son vrai rêve non-accompli aurait été d’être volcanologue. Elle avait même une app sur son téléphone pour suivre l’activité volcanologique autour du monde en temps réel. Nous avons eu droit à une véritable conférence de cette habitante de l’île de Vancouver, apparemment régulière de ce salon de thé de Vancouver. Elle nous a ainsi révélé qu’elle était originaire d’Europe, qu’elle avait habité, entre autres, le Japon et qu’elle était veuve.
Les gens nous parlent, les gens me parlent. C’est incroyable comme ils se livrent. Savent-ils que je respecte leur parole ? Que je ne révèlerai jamais rien qui puisse les mettre en porte-à-faux ? Qu’ils peuvent me faire confiance ? Est-ce pour cela qu’ils se livrent si naturellement à moi ?
Je m’en suis fait le serment lorsque j’ai embrassé la carrière journalistique. Il était crucial de faire ce pacte avec moi-même. Je pense que je portais en moi avant même le tournant journalistique d’ailleurs. Et je n’oublierai jamais une dame dont je m’occupais à Paris, lorsque je faisais de l’aide à domicile.
Pas commode, elle m’avait même accusée de lui avoir volé de l’argent en allant faire des courses. Je pense plutôt que son boucher m’a bien roulé mais bref, je lui ai rendu la différence. Je ne sais pas vraiment si c’était personnel, si elle ne m’aimait pas, si elle n’aimait pas ma couleur de peau, si elle n’aimait pas ou plus les gens, et finalement, peu importe car elle m’a fait vivre un moment important et c’est ça le plus important.
Alors que j’étais partie faire ses courses, que je rentrais haletante d’avoir monté je ne sais combien d’étages avec mon chargement, elle m’avait demandé de m’assoir un instant. Et elle s’est livrée. Elle m’a raconté son arrivée difficile à Paris pour une fille de province. Elle m’a raconté des étapes difficiles de sa vie. Je sentais comme un relâchement dans son attitude. Pas sympathique mais il fallait qu’elle se livre à ce sujet.
Le lendemain ou deux jours plus tard, j’ai appris son décès par mon employeur. J’étais et même en écrivant aujourd’hui ces mots, je suis sincèrement émue. Peut-être soulagée pour elle, qu’elle ait pu se confier à quelqu’un à ce sujet avant de partir.
Puis il y a cette dame sur le quai du Skytrain, qui commença de la même façon, sur un sujet anodin, la présence de travaux qui annulaient les trains à partir de 23h30. Cette dame philippine m’a alors proposé de m’assoir près d’elle pour continuer la conversation. J’ai alors appris qu’elle travaillait à l’hôpital et qu’elle souffrait des genoux. Elle disait être habituellement timide mais qu’après l’expérience du confinement (pourtant léger à Vancouver comparé àau reste du pays et à d’autres pays), elle trouvait finalement agréable de discuter comme ça avec quelqu’un.
Elle m’a aussi demandé si nous nous étions rencontrés auparavant. C’est drôle car cette question m’est revenue dans beaucoup d’endroits et de pays différents : un jour à Paris dans un supermarché, un autre à la Réunion et encore un autre, en Australie. C’est drôle de souvent ressembler à une connaissance, quelque soit l’endroit, quelque soit la langue.
Les conversations dans le Skytrain
L’autre jour, Yew Meng et moi étions dans un Skytrain moyennement rempli. On a pu entendre dans nos dos, une conversation entre deux jeunes qui avaient, devant toute évidence, leur premier rendez-vous amoureux. Ce lieu était assez singulier pour ce type de discussion.
Nous écoutions les questions et réponses, un peu raides de ces nouveaux tourtereaux. Il y avait quelque chose d’assez mécanique dans l’échange, peut-être dû au stress et à l’émotion. Les questions allaient d’un simple intérêt pour une couleur ou pour le pain (non, aucun d’eux n’était pourtant français) à des questions beaucoup plus intimes et coup de poing pour un premier rendez-vous : Parles-tu facilement de tes émotions ?
Pourquoi je travaille sur un podcast
Le son est important pour moi. Quand on y réfléchit, l’apparition du téléphone a créé, au moins pour ma génération et les précédentes, un lien très important avec le son. On pouvait percevoir des tons, c’était une belle symphonie de silences, de bruits dans le fond, de prosodie.
Aujourd’hui, certains sont terrifiés à l’idée de répondre à un appel téléphonique et se réfugient derrière chats et autres messageries instantanées. Ce monde où seules les notifications animent l’atmosphère, quand le téléphone n’est pas sur vibreur, est sujet à tellement de malentendus, de mauvaise interprétation. Il l’est aussi parce que le vocabulaire y est très pauvre. Je lisais récemment « 1984 » de George Orwell (oui, vous pouvez me clouer au pilori pour avoir attendu si longtemps pour le lire) et la novlangue est là. Je suis pourtant partisane du camp de l’évolution de la langue : elle évolue. Mais elle perd tout de même des mots et du coup, du sens au passage.
C’est étrange dans un sens car la technologie est de plus en plus avancée pour qu’on se voit, qu’on s’entende mais socialement, nous nous renfermons de plus en plus, on refuse l’image, la voix au profit de messages digitaux froids. Au moins, les petits mots griffonnés sur du papier à l’école laissaient une trace plus personnelle avec l’écriture manuscrite.
L’atelier de gamelan
Publik Secrets, un collectif d’artistes, a organisé un atelier de gamelan dans le cadre du festival ExplorAsian. Nous avons eu la chance d’y assister, dans le parc Hadden, non loin de la plage de Kitsilano. Cet instrument m’a toujours fasciné.
Le gamelan est originaire de Bali et d’Indonésie. Son son est produit par une frappe sur des cylindres soit métalliques soit en bois. On ne peut pas en jouer de façon isolé, il fait partie d’un ensemble. Les autres instruments de l’ensemble sont des percussions, des gongs et autres instruments dont je ne peux pas parler, n’étant effectuer qu’un atelier de découverte.
Les artistes Robyn Jacob et George Rahi nous ont présenté les instruments et nous ont montré comment en jouer avant que nous nous exécutions. Nous avons appris une suite simple. Quelque chose de très organique s’est passé en moi. Ces vibrations étaient très douces et puissantes à la fois. Ce son était relaxant et hypnotique : j’étais totalement absorbée par le son et le moment. Bien sûr, il devait y avoir de la concentration pour ne pas se tromper mais au-delà de ça, l’expérience m’a menée un peu plus loin que ça. A force de répéter cette suite simple, j’ai commencé à effectuer un petit balancement de mon corps : c’était comme le reflux des vagues, comme une brise qui anime un feuillage. Il y avait un mouvement doux en moi.
Puis nous avons joué la suite en doublant les frappes et en variant le volume. Nous avons alterné le murmure et la présence, le bruissement et le rayonnement. J’ai senti ce pour quoi j’aime la musique : le côté organique des instruments. Pour moi, rien ne vaut la pratique d’un instrument organique, qu’il soit de bois ou de métal et plus que tout, rien ne vaut un concert en chair et en os devant ces artistes jouant de ces instruments. Évidemment, ça ne m’empêche pas d’apprécier les basses bien lourdes d’un bon morceau de métal.
Nous sommes restés dans la zone, invités à assister à la répétition de l’ensemble. C’était d’une beauté intemporelle, c’était un conte musical, c’était une peinture animée avec des sons. On peut voir les sons si on se concentre bien. Des couleurs mais aussi des formes. Là, c’était une peinture avec beaucoup de profondeur, plusieurs plans et des actions incroyables. Certains motifs me faisaient vraiment penser aux motifs utilisés sur les tissus de la région (Indonésie, Bali et Malaisie) : il y avait comme une rotation, semblable aux feuilles qui s’enroulent.
À cet instant, j’ai eu l’impression que tout était un tissu : la musique, la communauté, le temps... Des fibres qui s’entremêlent.
J’ai commencé la musique en jouant à l’oreille, sur un petit piano pour enfant. J’ai eu la chance d’avoir un an de cours avec un très bon professeur et d’apprendre la musique classique. Il était assez souple et bon pédagogue : il me proposait de transcrire les musiques j’aimais (donc le rock) au piano pour que je puisse les jouer. Puis j’ai rencontré Dominique Amouny, extraordinaire professeur de musique carnatique. Il a mis en musique l’une de mes chansons. Mais surtout, il m’a fait découvrir le chant indien et les quarts de ton que j’affectionne.
J’étais très heureuse que les gens s’arrêtent, écoutent, absorbent cette musique. Certains prenaient des photos et des vidéos, applaudissaient à la fin du morceau. J’étais heureuse de voir l’intérêt du public pour l’art, pour une musique si belle et si différente, de voir cette soif de culture et de partage, cette écoute du pouls humain à travers la musique.
La pandémie a finalement bien stimulé mon activité artistique : deux représentations théâtrales dont une incluant l’une de mes chansons et la mise en musique d’un poème qui n’est pas de moi. J’avoue que je suis la première surprise ! Et apparemment, ce n’est que le début...
De la plume à la scène - un voyage en temps de pandémie
Ce projet de mise en scène d’échanges épistolaires entre adultes francophones vivant des situations difficiles et élèves apprenant le français dans une école de Vancouver (sous couvert de l’anonymat) m’a mené à incarner une mauricienne, à jouer ma propre musique, à mettre en musique les mots de quelqu’un d’autre et à assister dans la mise en scène. C’était incroyablement intéressant et je dirais même que je me suis carrément dépassée. Je ne m’attendais pas à faire tout ça et surtout à être tout simplement capable de le faire !
Magda Ochoa, notre metteuse en scène, est comme une chef d’orchestre et nous sommes les cordes et les touches qu’elles actionnent pour créer une symphonie. C’est magnifique ! Pour moi, c’est une personne qui veut révéler le meilleur de ce qu’il y a en nous, le meilleur pour pouvoir incarner une émotion juste.
Nous avons fait salle comble pour notre unique date, le 31 mars, avec 100 spectateurs, au Studio 16 de la Maison de la Francophonie. Je suis très heureuse que ce projet ait été porté par La Boussole, un organisme que je chéris beaucoup pour ses actions destinées à la communauté.
Je me souviens d’avoir cherché des accords pour mettre le poème de cette personne, sur mon canapé. Le défi était qu’il s’agir de prose et donc, pour la ligne de chant, elle n’était pas évidente à dégager. Sur scène, j’avoue que j’ai perdu le fil à un moment et qu’il m’était difficile d’entendre l’autre musicien. Mais ce sont les aléas du métier, de la scène et apparemment, ça ne s’est pas trop entendu.
J’étais contente de sentir ma voix enfin « ouverte ». Depuis que je suis arrivée à Vancouver, j’avais l’impression que j’avais perdu de la voix, qu’elle était un peu recroquevillée, qu’elle sonnait moins. Mais depuis que je fais du yoga, j’ai l’impression qu’elle « coule » plus facilement. Il faut dire qu’on ouvre physiquement la poitrine et que ça doit aider la respiration par exemple. Je le remarque au « Om » qu’on chante en début et en fin de séance. Parfois, j’ai même l’impression de sentir des « dimensions » dans le chant. Je les sentais pour mes propres chansons lorsque j’expérimentais des sons plus gutturaux. Je pense que certains de mes lecteurs ne vont pas vraiment m’imaginer en tant de faire des sons gutturaux mais ça ne veut pas dire que je chante du heavy metal !
J’ai senti une communion avec les autres comédiens et toute l’équipe. Pour la technique, chapeau bas à l’éclairagiste qui nous a aidé deux jours avant et qui a accompli ce que nous souhaitions sur scène.
J’ai rencontré la personne que j’ai incarné sur scène et encore une fois, j’étais submergée d’émotion. C’est encore plus troublant car nous sommes reliées, un peu comme des soeurs, par la même racine, l’île Maurice. Une fois de plus, j’ai vraiment veillé à essayer de respecter au maximum la personne que j’ai incarné, à ne pas caricaturer quelqu’un pour reprendre les mots de notre premier rôle, Nunamata (Macy en vrai), bénévole de l’année à La Boussole.
Je me suis aussi prêtée au jeu de l’interview pour la chaîne WebOuest qui a fait un documentaire sur le projet. Ça me fera très bizarre de me voir en interview : d’habitude, c’est moi qui pose les questions !
J’étais épuisée sur plusieurs jours après la représentation mais tellement heureuse. C’est quelque chose d’intense, la scène. Le jeu et la musique sur la même scène, c’est encore une autre dimension.
Les reportages de Radio Canada sont en ligne pour la télé et en podcast.
L’ appel de la scène ?
C’est drôle comme les choses s’enchaînent parfois. Le jour de la représentation de « De la plus à la scène », j’attendais devant la salle de spectacle et il m’est arrivé quelque chose d’assez incroyable. Un restaurant est partage les locaux de la Maison de la Francophonie, au même titre que le Studio 16 où nous avons joué. Une famille est sortie du restaurant, la dame m’a souri et je lui ai souri. Nous avons alors engagé la conversation. Elle a remarqué ma guitare et m’a demandé si je serai intéressée d’être artiste solo pour un mariage sur l’île de Galiano ! Affaire à suivre...
Depuis ce spectacle, la personne que j’ai incarné s’est dite inspirée par le fait de me voir chanter sur scène et souhaiterait développer un projet de chorale. Après la pandémie, nous avons tous soif de rencontres et de partage dans le monde réel. Ce sera un projet sur les différentes communautés linguistiques de Vancouver (et du Canada) et je vais m’exercer à l’art difficile de l’écriture. Il faut bien commencer quelque part !
J’ai été contactée pour un autre projet dans une autre langue que le français et l’anglais. Ça a l’air très intéressant mais je ne peux pas trop en dévoiler pour l’instant !
J’ai aussi joué de la guitare avec un ami dans un parc, une pratique très vancouvéroise dès qu’il ne pleut plus (notez bien que j’aurais pu dire à l’approche des beaux jours mais un beau jour à Vancouver est un jour sans pluie, même si le temps est couvert et qu’il fait froid). C’était un très beau moment et nous allons essayer d’écrire ensemble des chansons en français.
Juge d’un concours oratoire
Je serai bientôt juge bénévole pour le concours d’art oratoire du Canadian Parents for French pour la région de la Colombie-Britannique et du Yukon. J’avoue que j’ai hâte d’être à nouveau en contact avec l’enseignement du français, même si c’est de façon indirecte.
J’ai rencontré une dame fort sympathique au Festival du Bois sur leur stand et j’étais heureuse de voir la littérature jeunesse francophone, me rappelant la mienne (notamment lorsque je vois des albums Glénat, me remémorant mes longues lectures absorbées à la bibliothèque lorsque ma mère prenait le temps de choisir ses livres). J’ai toujours aimé les bandes dessinées et je trouve qu’elles sont un médium parfois sous-évalué et sous-exploité dans le monde éducatif. En tant qu’adulte, je continue de me gaver de bandes dessinées et de graphic novels. Ce n’est pas pour rien qu’on nomme la bande dessinée le neuvième art.
Le plurilinguisme, une constante dans ma vie
Bien que j'ai été élevée dans une seule langue, le français, j'ai toujours été attirée par les autres langues très jeune. Bien que je n'y comprenais absolument rien, je chantais "en yaourt" sur les chansons auxquelles j'étais exposée à la maison (en anglais et en brésilien). Par la suite, j'ai eu la chance (on l'oublie trop en France) d'apprendre d'autres langues à l'école : l'anglais, l'espagnol et même un tout petit peu d'allemand.
À Paris, j'avais des amis bilingues. Puis quand j'ai commencé à voyager, les compétences de mes amis se sont aussi élargies. J'ai commencé à rencontrer des personnes capables de parler des langues très exotiques pour moi mais aussi à avoir la capacité à en parler trois ou plus...
Ça me fascine et j'espère bientôt m'enrichir moi-même en apprenant d'autres langues. C'est pour ça que l'un de mes prochains projets artistiques portera précisément sur cette thématique. Il faut montrer cette beauté !
Le Festival du Bois
J’ai fait un tour au Festival du Bois, un festival de musique francophone avec des artistes québécois. C’était une belle expérience après deux ans sans évènement de cette ampleur. J’admets que j’ai eu de la chance car en temps de pandémie, j’ai réussi à jouer dans deux pièces et à faire un festival ! Je sais que beaucoup de personnes vivent un confinement total et je ne les oublie pas.
Qui dit québécois dit forcément poutine, le deuxième amour de mon compagnon. J’avoue qu’elle était bonne. Il y avait aussi plus de plats traditionnels mais j’étais tellement pleine de poutine que je n’ai pas pu goûter le reste : une prochaine fois !
Je représentais le journal La Source lors de mon passage mais je suis bien sûr allée voir mes amis de La Boussole sur leur stand. C’était un dimanche très pluvieux et froid et ils étaient bien courageux sous cette tente. Heureusement, ils ont pu s’abriter sous le chapiteau principal par la suite.
Le relâchement des restrictions sanitaires à Vancouver permet de faire un peu plus d’activités et le mois de février a été bien rempli pour moi, entre challenge yoga et répétitions (et même de nouvelles représentations des Éloquentes).
L’année du Tigre à la malaisienne
Début février, nous avons célébré l’année du Tigre à la malaisienne avec un plat typique : le yee sang. La première fois que j’ai découvert cette tradition, c’était à Kuala Lumpur. Nous étions au restaurant et on nous a apporté un plat rond (pour la prospérité) avec différents tas de légumes et du saumon fumé coupés en julienne et d’autres ingrédients mystérieux.
La tradition veut que tout le monde autour de la table soulève les ingrédients et les mélangent avec leurs baguettes, tout en formulant des voeux pour la nouvelle année. Suivant la personnalité des convives, ça peut vite se transformer en feu d’artifice végétal ! Mais cette année, nous étions en tout petit comité et c’était gérable.
C’était un beau moment de partage avec une famille et des amis.
La recherche artistique
Pour la prochaine pièce de théâtre avec Magda Ochoa, je vais créer des musiques originales. La première fois que j’ai eu une telle opportunité, c’était avec Natalie Vella, quand j’ai créé une musique pour son court-métrage, Nocito. J’étais actrice et musicienne sur ce projet. Ça m’avait fait tout bizarre de me voir projeter sur un grand écran dans un cinéma parisien et d’entendre ma musique jouée en dolby surround.
Nous faisons aussi une oeuvre de dramaturgie collective pour cette pièce, ce que je trouve extraordinaire ! C’est un beau projet qui montre plus que jamais que les épreuves sont de grandes opportunités d’apprentissage et de croissance. Je m’estime très chanceuse de pouvoir faire partie de ce projet de La Boussole.
Toujours dans le domaine artistique mais en tant que journaliste, j’ai rencontré Angela Clarcke du Centre culturel italien de Vancouver et nous avons discuté du concept de reine. J’ai aussi rencontré Sepideh Saba, une aquarelliste d’origine iranienne qui a vécu, par le plus grand des hasards, en Malaisie avant de venir s’installer au Canada ! J’ai mené ces deux interviews en personne et c’était un vrai plaisir de me déplacer et d’avoir une connexion humaine au lieu de toujours se voir en 2D. J’aurais pu rester des heures avec ces femmes si intéressantes !
Le challenge yoga
J’ai aussi participé au challenge hivernal de yoga avec Mandana. C’était intense : j’ai fait du yoga tous les jours sur le mois de février ! Mais ça porte ses fruits : je me sens mieux dans mon corps, évidemment plus flexible et plus énergique.
Je fais des inversions, quelque chose que j’avais peu fait auparavant. La toute première fois, je m’en souviens encore, c’était avec Annabelle Leray en Australie. Au début du cours, elle nous avait montré comment faire et je m’étais dit que je n’y arriverais jamais. Mais à force d’auto-persuasion et de travail, j’y suis arrivée à la fin de la séance. Tout est question de confiance !
Mandana m’a vraiment apporté beaucoup et je vais continuer avec elle. Son travail de préparation est très soigné et toutes les séances sont pensées dans une progression. Elle m'apprend à prendre conscience de mon corps, à l'écouter. Elle m’impressionne à bien observer et prendre le temps de donner des conseils personnalisés à chaque élève. Bien sûr, il y a les bons mots quand on donne des instructions mais au-delà de ça, je crois aux énergies et je pense qu’elle déborde de bonnes ondes.
La fin du Covid ?
Les restrictions commencent à se relâcher et on peut enfin envisager des rassemblements un peu plus grands. L’épidémie n’est pas terminée mais espérons que l’embellie ne soit pas loin. A Vancouver, le port du masque n’est plus obligatoire mais recommandé, surtout dans les transports en commun. Nos familles en Asie sont à nouveau confinées et les dernières nouvelles de Chine ne présagent rien de bon mais pour l’instant, tout le monde apprécie ce petit relâchement à Vancouver...
Malgré les manifestations à Ottawa lors des « convois de la liberté » le mois dernier, le pays continue de respecter les règles. J’ai été stupéfiée de voir à l’international, les nombreux convois et l’affichage du drapeau canadien pour montrer leur solidarité.
La question du financement me laisse perplexe : comment peut-ton trouver des financements, même de la nourriture pour soutenir un mouvement pareil quand des gens vivent sous le seuil de pauvreté dans les pays concernés mais aussi dans d’autres pays ? Pourquoi ne trouve-t-on pas plus de financements pour la lutte contre la faim dans le monde et la protection de l’environnement ? Pourquoi les individus choisissent de soutenir financièrement des « défenseurs de la liberté » quand on pourrait investir dans la protection de la vie en général ?
La radio
Je présente maintenant des titres de La Source à l’antenne de Radio Canada dans l’émission Panorama toutes les deux semaines, lors de la sortie du journal. La première fois n’était que mon deuxième direct ! Le premier était un direct pour BFMTV en Australie sur l’avion malaisien disparu.
Evidemment, il y avait du trac, surtout que je ne voyais pas mon interlocuteur. À la réécoute, bien que je me trouve raide pour le premier article et trop rapide sur le second, ce n’est pas si mauvais après tant de temps. La liaison n’était pas terrible et on perd beaucoup de qualité mais bon, c’était une première.
J’ai tenté un petit mudra spécial avant mon passage à l’antenne et je pense que ça aide.
La deuxième fois était moins raide mais je me suis un peu prise les pieds dans le tapis. La troisième fois devrait être plus relax.
En tous cas, ça me redonne de la motivation pour mon projet de podcast. C’est le plus difficile dans ce genre de projet : garder la même motivation tout le long. Heureusement pour moi, j’ai des soutiens inestimables qui sont là !
Le lancement du recueil « Autour d’Elles : Récits de vie »
Le lancement du recueil arrive à grand pas (le 25 mars) et sera accessible à tous sur inscription pour une conférence Zoom. Lors des ateliers, j’ai entendu des récits de vie passionnants de la part de femmes francophones de l’Ouest canadien et j’ai hâte de tous les lire.
Ce projet, un partenariat entre l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne et les éditions Terres d'Accueil est tellement intéressant qu’il mériterait d’être poursuivi et peut-être même élargi. Plus il y aura de consultation auprès des nouveaux arrivants, plus l’expérience sera bonne.
Les contacts
J’ai été contactée par une étudiante en journalisme qui souhaite avoir des conseils sur l’Australie. C’est drôle qu’on me contacte encore à ce sujet, vu que j’ai quitté le pays il y a quasiment 6 ans maintenant.
J’ai reçu pas mal de demandes de contacts et de conseils d’étudiants en journalisme mais aussi parfois de réunionnaises et réunionnais et même d’autres profils...
Rencontrer des réunionnais et réunionnaises à Vancouver
J’ai ENFIN pu rencontrer des acolytes ici ! J’étais très heureuse d’entendre l’accent créol et de parler d’endroits que nous avons en commun. Ces mots roulaient dans mes oreilles avec plaisir et m’ont rappelé que je n’ai pas rêvé l’endroit d’où je viens. Je ne risque pas d’y retourner avant un bon moment, ne pouvant pas sortir du pays avant plus d’une année maintenant.
Mais cette rencontre avec trois réunionnais m’a fait un bien fou, une occasion de voyager un peu sans prendre l’avion...
Le soleil dans la voix
Le soleil est parfois dans la voix des gens. Cette chaleur enveloppante se retrouve dans les ondes. Je m’entretenais avec Vaughn David pour mon prochain article dans La Source, un sculpteur sur bois très intéressant et c’était un plaisir sans nom d’entendre cet artiste parler de son amour du bois, des couleurs, de ces êtres qu’il transforme en oeuvres d’art.
Cet artiste local est métis (au sens canadien du terme). Son travail et la personne qu’il est m’impressionnent. C’est un magicien, un véritable être humain, l’illustration que l’être humain n’est pas opposé à la nature comme on peut finir par le croire certains jours, que nous sommes tous des enfants de la nature et que nous devrions accepter cette condition au lieu de courir après les lumières des néons, le ronronnement des usines, les vapeurs des drogues, les gloires d’un jour. Cet homme sait regarder le bois. On oublie le sens de ce mot : regarder. On voit tous des choses mais on ne prend pas le temps ni ne faisons l’effort de regarder, d’écouter les milles histoires qui se jouent autour de nous.
J’ai la voix de certaines personnes toujours en mémoire. L’une d’elles est décédée mais sa voix vit toujours dans mon oreille. Elle est grave et me fait penser, justement, à un bois précieux. Mais elle m’évoque aussi, pour une raison que j’ignore, tout un univers : le bois de santal, un coucher de soleil, la couleur ocre et des orangés foncé.
En tant que fille de radio, je suis forcément sensible aux voix. Parfois, j’ai des surprises quand je réécoute des sons. Ça me rend souvent nostalgique.
Le parcours migratoire
J’étais très stressée par la recherche d’emploi, qui était directement liée à mon statut ici au Canada. SI je ne trouvais pas d’emploi, je pensais que je ne pourrais pas rester dans le pays, ce qui est vrai en théorie.
J’ai été contactée plusieurs fois, on trouvait mon profil intéressant mais dès qu’on abordait la question de mon statut (Mobilité Francophone, permis de travail fermé), toutes les portes se ferment. J’ai exploré d’autres possibilités avec un consultant en immigration et je suis beaucoup plus détendue par rapport à la situation. Cependant, le Covid a ralenti tous les traitements de dossier et il va falloir être très patient.
Je suis à nouveau en train de remplir des formulaires d’immigration. Pour certaines informations, je me réfère à ceux que j’avais rempli en Australie, non sans un arrière-goût amer. Je me remémore ces moments, toute cette énergie, tout ce temps (une année entière de planification, deux ans d’études et de travail en même temps à la trentaine) et j’espère ne pas connaître la même issue malheureuse. C’est comme si j’ouvrais à nouveau une cicatrice. En Australie, il y avait la nouveauté du processus. Maintenant, il y a la crainte de retomber dans la même situation.
Il faut retrouver les adresses et nommer les emplois sur les dix dernières années. Tout va bien si on ne bouge pas beaucoup mais dans mon cas, c’est parfois de l’ordre du casse-tête. L’avantage, c’est que je connais déjà le procédé et je serai normalement moins fatiguée que la première fois.
Le test de Myers Briggs
Selon ce fameux test, je suis une ENFJ : Extravert Intuitive Feeling Judging. Ce sigle est aussi remplacé par le profil du protagoniste ou de l’enseignant suivant les versions.
Je trouve la description assez précise et proche de la réalité. Quelqu’un qui a un intérêt dans l’aide au développement et à la croissance d’autrui.
Espace Mieux Être Canada
J’ai contacté la hot line de Espace Mieux Être Canada parce que j’étais en train de craquer et je ne peux que les recommander. J’ai hésité pendant un long moment : appeler ou ne pas appeler ? Est-ce que je me sens si mal que ça ? Est-ce que je ne prends pas la place de quelqu’un qui a l’intention de mettre fin à ses jours ?
En France et dans d’autres pays, parler de sa santé mentale est encore tabou et on a tendance à stigmatiser ceux qui ne le cachent pas. Il faut être un bon petit soldat, ne jamais avoir de failles mais en même temps, ne pas être trop heureux car sourire dans la rue pour rien, juste parce qu’on est content, est extrêmement suspicieux. Mais pourquoi devriions-nous tout le temps marcher droit, ne jamais avoir un moment de faiblesse, ne jamais être assailli par la dépression et se cacher pour mourir comme les oiseaux ? J’ai longtemps fait ça, aller me cacher pour aller mourir dans mon coin. Ça a souvent été un échec cuisant.
Si j’étais un employeur et que je savais que l’un de mes employés souffre de troubles mentaux (mon interlocutrice m’a bien expliqué la connotation que cet adjectif a, ici, au Canada, différent de la France où c’est un terme péjoratif), d’une part, je prendrais vraiment soin de cette personne et deuxièmement, je saluerai ses efforts car cette démarche montre que cette personne a de la résilience et est capable de surmonter des obstacles.
Faire un travail pour se connaître et plus on se connaît plus on devient conscient de ses faiblesses et de ses forces. A une époque, je faisais des crises d’angoisse. C’était tellement intense que j’avais très peur de me trouver près d’une fenêtre. J’étais sous médication. Un jour, j’ai décidé d’être plus forte que la crise, plus forte que les médicaments. Je m’étais répétée dans ma tête : « Je contrôle la situation, je me contrôle. Je vais y arriver, je vais me calmer. » Et ça a marché. Je suis devenue plus forte ce jour-là. Je n’ai jamais refait de crise jusqu’à présent. Peut-être que j’en referais une un jour, je ne sais pas quelles sont les garanties. Mais je sais que j’ai réussi à me maîtriser une première fois, que je possède cette force de dire stop.
J’ai parlé à des amis et fréquenté des personnes positives interviewé Yamoussa Bangoura, le fondateur et directeur artistique de la troupe Kalanbanté. C’est un homme très sage et très inspirant. Un bon conseil : entourez-vous de personnes positives.
Depuis, j’ai bien rebondi et je vais reprendre un vieux projet avec plein de surprises dont je ne peux pas parler pour l’instant. Après tout, j’ai toutes les compétences pour faire ce que je désire donc autant se lancer !
Le kaïros
Au détour d’une lecture (« Le château » de Mathieu Sapin), j’ai découvert le concept de kaïros. Ce terme désigne « un petit dieu ailé de l’opportunité, qu’il faut attraper lorsqu’il passe (saisir une opportunité) » selon Wikipédia.
C’est drôle car cet article Wikipédia parle aussi de la synchronicité chez Jung et c’est quelque chose qui m’a beaucoup intrigué lorsque je préparais mon mémoire pour mon Master 2 Français Langue Étrangère. Mon thème de mémoire était « Développer la compétence orale dans une formation hybride ». J’avais évoqué cette piste mais mon tuteur m’a, à juste titre, dissuadé de prendre cette voie car trop éloignée de la linguistique.
Sait-on jamais qu’il passe dans le coin et que je puisse le saisir !
Le phoenix
Mais parfois, il faut aussi créer sa chance. Récemment, après le coup de mou et l’appel à la hotline de soutien psychologique, j’ai décidé de prendre soin de moi. J’étais tellement centrée sur l’extérieur, sur le fait qu’on me donne une chance, que je me suis totalement laissée tomber.
Il a fallu que mon moral connaisse une chute vertigineuse, une sorte de mue pour que je puisse créer une nouvelle version de moi-même. J’avais tellement de pensées négatives, mon estime de moi était au plus bas. Il a fallu que je sèche, que je me craquèle, que je brûle pour pouvoir renaître.
Maintenant plus ancrée, physiquement et psychologiquement, je vais peut-être et même sans doute commencer une aventure très puissante : mon aventure. Encore une fois, je suis assez mystérieuse mais je ne peux pas révéler mes projets mais je suis heureuse et pleine d’espoir.
À nouveau la scène
Je reprends le chemin de la scène en compagnie de Magda Ochoa dans le cadre du projet « De la plume à la scène » avec La Boussole. J’en suis bien contente car les projets de scène et d’arts vivants en cette période peuvent être incertains.
Pour cette performance, je serai comédienne mais aussi musicienne ! Je n’ai pas refait de scène avec ma guitare depuis des années, la dernière fois étant en Malaisie.
J’aurai un rôle qui me colle à la peau mais je ne veux pas trop en dévoiler pour l’instant, il faut quelques surprises pour ceux qui viendront assister à la représentation du 31 mars ! Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai un rôle sur-mesure...
Bonne année 2022 ! Mes meilleurs voeux de paix et de sens commun. Ce début d’année commence avec un air de déjà-vu : une pandémie qui n’en finit pas, des cas en hausse, une météo rebelle...
Le temps, toujours extrême en Colombie-Britannique
Ce début d’année n’a pas été de tout repos pour la province. Les importantes chutes de neige ont été accompagnées de pluies verglaçantes. C’était beau de voir des fleurs emprisonnées dans la glace comme dans du verre, on se serait cru à Murano mais on ne peut pas s’empêcher de penser aux gens qui dorment dans la rue. Des centres d’urgence étaient ouverts mais tout de même. Certains refusent d’y aller pour des raisons de sécurité, de même qu’une potentielle exposition au Covid.
J’ai appris par le biais d’une amie qui a habité au Québec, que certaines personnes restaient dehors jusqu’à -15 degrés.
Nous avons aussi eu une grande marée à Vancouver, qui a immergé une partie des berges de la ville. Et nous subissons maintenant notre deuxième rivière atmosphérique. Certains résidents des zones à risques expliquaient qu’ils avaient été évacués jusqu’à 6 fois.
Les francophones du Canada
Sur un ton plus léger, avant de savoir que je viendrais vivre au Canada, j’ai dévoré les bandes dessinées de Guy Delisle. Je pense que je suis tombée pour la première fois sur l’une de ses bandes dessinées à Madagascar ou en Australie, ce n’est plus très clair maintenant, dans une Alliance française, un Institut français ou une bibliothèque publique.
Les cultures francophones du Canada sont variées et j’ai hâte de toutes les découvrir. Il y a les québécois bien sûr mais aussi tous les autres francophones. En Colombie-Britannique, j’ai trouvé les livres de Pauline Johnson Tekahionwake sur un marché de Noël à Vancouver.
Ça passe aussi par les séries télévisées, la culture populaire. C’est un format si commun qu’on oublie qu’il est la porte d’entrée sur une culture. J’ai regardé « M’entends-tu ? », qui se déroule au Québec et m’aide à travailler mon oreille. J’ai aussi vu « La Bolduc » et entendu l’accent gaspésien pour la première fois.
J’ai aussi lu récemment un livre de Michel Tremblay et de Matthieu Simard, des auteurs canadiens. Comme d’habitude, je m’arrange pour choisir au hasard des livres qui collent à l’actualité; ainsi, « Une fille pas trop poussiéreuse » parle de la fin du monde. Michel Tremblay était un peu moins sombre. Je démarre « Poisson d’or » de J.M.-Le Clézio, un auteur que j’aime beaucoup.
L’unité
Je cherchais des cours de danse sur Vancouver et je ne sais pas vraiment vers quoi me tourner. Je me sens plus proche de la danse orientale et de la samba. Je suis tombée sur un haka (danse guerrière maori néo-zélandaise) et ça me fait toujours le même effet, le même effet que lorsque je l’ai vu et entendu pour la première fois : ça me donne des frissons d’admiration. L’unité qui existe dans cette danse, que ce soit pour un enterrement ou un mariage, est puissante. Elle m’émeut toujours aux larmes.
Les percussions, surtout graves, accompagnées de voix résonnent fortement en moi, comme un appel cosmique. Beaucoup de choses, sinon tout, se résument à des vibrations. Celles des peaux tendues m’hypnotisent et je me sens absorbée en elles.
L’intangibilité
Je re-regardais le film « Le Parfum, histoire d’un meurtrier » (adaptation de 2006) et ça m’a ramené sur mon projet de podcast sur l’intangibilité. Je suis sur mon premier épisode sur le courage et il m’en faut pour continuer ce projet. Ce n’est pas toujours facile de se motiver sur un tel projet seule.
La mort d’Anne Rice
Anne Rice, génitrice d’un renouveau du genre fantastique et surtout de la figure du vampire avec sa Chronique des Vampires et autres cycles du même genre, n’est plus et ça me désole terriblement. J’ai découvert son oeuvre adolescente, alors que je devais faire une fiche de lecture au lycée pour mon cours d’anglais renforcé. J’avais commandé le livre en version originale et je dormais avec mon dictionnaire bilingue pour comprendre les expressions idiomatiques et l’argot américain. Je n’ai pas lâché et j’avais choisi « Le voleur de corps ». C’était un travail très ardu mais tellement intéressant. Je m’endormais comme ça, avec le livre d’Anne Rice et le dictionnaire bilingue ouverts et les écouteurs sur les oreilles, avec le premier album de Muse, « Showbiz ». C’est un très beau souvenir.
Le solstice d’hiver
Bien sûr, il y a eu les fêtes de fin d’année, Noël et la nouvelle année. Mais ce qui m’a vraiment rendue heureuse, c’est le solstice d’hiver : se dire que la lumière va revenir, qu’on est au début du cycle allant vers des jours plus longs, ça, c’est un vrai cadeau ! Sans jeu de mots, je vois la lumière au bout du chemin.
Cette bonne nouvelle vient atténuer le fait qu’un compte-à-rebours a commencé pour moi. Mon permis de travail et donc mon sésame pour rester au Canada expirera dans une dizaine de mois. Il faut que je retrouve impérativement un emploi pour maintenir mon statut et pouvoir rester dans le même pays que mon compagnon. La pression commence à revenir petit à petit. J’essaie de ne pas y céder et de garder la tête froide.
L’isolement
« Oui mais on vit tous la même chose, tu sais. » Bien que cette phrase parte d’une bonne intention, j’ai du mal à l’entendre sans cesse. Peu ont trouvé d’autres mots plus empreints d’empathie. Épauler quelqu’un pendant un moment difficile, même si on ne l’a pas vécu soi-même, avec quelques mots réconfortants est devenu une chose rare.
Après l’épisode de l’aéroport de Montréal, je ne peux pas me risquer à sortir du pays et donc, toute idée de revoir ma famille et mes amis disséminés autour du monde est aussi lointain que l’horizon. J’ai peu d’amis _mais heureusement, de bons_ ici, étant arrivée quelques mois avant la pandémie et ayant tout mon être rivé sur le fait de trouver un emploi en Mobilité francophone, une étape que j’avais clairement sous-estimée, bien vendue par ses promoteurs et si peu attrayante aux yeux des employeurs.
Mais voilà, les relations à distance, c’est toujours compliqué. Ma famille et mes amis me manquent. Je croyais pourtant être aguerrie dans ce domaine, ayant gardé des relations épistolaires jusqu’à présent et ce depuis des années. Mais d’un coup, tout le monde a décidé de se refermer sur son cercle, ne prenant même pas la peine de répondre à un message, même virtuel. Étant toujours trop pressé, trop débordé. Et pourtant, les coups de main, les aides aux déménagements, le soutien psychologique, la présence dans des moments difficiles (dangereux ou émotionnellement très éprouvants), rien ne suffit pour garder contact. Je suis vieux jeu: un mot est un mot, une promesse est une promesse et la gratitude se joue du temps pour moi. J’appartiens à un autre monde et je doute souvent de ma place ici.
Fort heureusement, le tableau n’est pas si noir et je suis encore en contact de temps à autre avec des amis (es) d’il y a des années. Je ne devrais pas être si déçue, j’entends la phrase résonner... « On naît seul et on meurt seul. » Mais entre les deux, ne devrions-nous pas profiter un peu des liens humains ?
Bannir le plastique, un chemin de croix mondial
Assez anecdotique : presque tous les pays où j’ai vécu ont adopté l’interdiction de l’usage de sacs plastiques lorsque j’y séjournais. Ainsi, aux Seychelles en 2017, en Malaisie en 2019 et maintenant au Canada. Je ne comprends pas qu’un pays comme le Canada ait attendu si longtemps pour prendre une telle décision.
L’interdiction des sacs en plastiques est entrée en vigueur le 1er janvier à Vancouver (article de Radio Canada).
La pandémie d’égoïsme
Le sujet que je vais aborder risque peut-être d’en froisser quelques uns. Mais j’ai du mal à contenir ma tristesse et ma déception, du mal à voir qu’il faut attendre que la situation atteigne certains dans les remparts de leur intimité pour qu’ils se décident à revoir des positions égocentriques. Il faut attendre de voir, non plus l’ami d’un ami, mais directement son ami, disparaître sous les tubes des respirateurs pour prendre conscience de la situation. Cette pandémie divise et s’insinue dans les relations mais le marasme ambiant m’étouffe trop pour que je reste muette.
J’aimerais me tromper lorsque j’ai l’impression que cette situation devient une bataille de la liberté individuelle contre le bien commun. Mais où est la décence, l’humanité ? Quand on pense aux pays qui n’ont pas les labos capables de produire les vaccins, les structures capables d’absorber les malades, le personnel suffisant pour faire face au tsunami de patients, aux malades qui ne peuvent pas payer les frais d’hospitalisation ? Sans regarder plus loin que son propre pays, dit « développé » ou « émergent », on élevait le personnel hospitalier au titre de héros lors des premiers mois de la pandémie et il a suffi de quelques mois supplémentaires pour que tout retombe comme un soufflé. Le Capitole a été piétiné il y a un an, au nom de la liberté individuelle. La démocratie serait-elle sa propre ennemie, discréditée, utilisée comme bouclier de conscience au profit d’un ?
Au nom de la liberté de disposer de son corps, peut-on mettre en danger les plus faibles ? Je sais que j’ai déjà évoqué cette information mais elle ne cesse de me travailler : une famille de touristes français avait réintroduit la rougeole au Costa Rica en 2019 (article du Monde). L’affaire n’a pas fait beaucoup de vagues mais je la trouve d’un cynisme effroyable. La famille avait décidé de ne pas se faire vacciner, ni de vacciner ses enfants et voilà qu’un pays entier est à la merci d’une maladie qui avait été éradiquée. Mais dans quel monde vivons-nous ? Comment peut-on croire que les soignants se croisaient les bras avant la pandémie ?
Au Québec, les soignants atteints du Covid sont rappelés au travail. Non seulement, ils sont au front depuis 2 ans, n’ont peut-être pas eu de vacances, n’ont pas beaucoup de repos, voient leur vie familiale dégradée mais là, en raison du nombre de cas croissants et de manque de personnel, ils doivent continuer à travailler. Décemment, je pense qu’on ne peut pas décider, car oui, dans les pays développés, nous décidons, par nos choix, du sort de ces personnes. Je ne connais aucune de ces personnes, je n’ai pas de famille ni d’amis travaillant directement à l’hôpital et je pense que nous n’avons pas besoin d’être dans ce cas pour se mettre à leur place.
Dernièrement, un bus qui avait été aménagé pour pouvoir vacciner la population à la Réunion a été vandalisé. La honte n’a plus de limites. Ça me rappelle les ambulances et les pompiers agressés, sur lesquels on a jeté des frigos depuis le toit des immeubles, lorsqu’ils se rendaient dans certaines banlieues. Comment peut-on agresser des services publics qui viennent en aide à la population ? Comment ?
J’ai trouvé ce beau proverbe arabe dans « Poisson d’or » de Le Clézio : « La santé est une couronne sur la tête des gens bien portants, que seuls voient les malades. »