C'est reparti pour un tour !

Bonne année 2022 ! Mes meilleurs voeux de paix et de sens commun. Ce début d’année commence avec un air de déjà-vu : une pandémie qui n’en finit pas, des cas en hausse, une météo rebelle...

 

Le temps, toujours extrême en Colombie-Britannique

 

Ce début d’année n’a pas été de tout repos pour la province. Les importantes chutes de neige ont été accompagnées de pluies verglaçantes. C’était beau de voir des fleurs emprisonnées dans la glace comme dans du verre, on se serait cru à Murano mais on ne peut pas s’empêcher de penser aux gens qui dorment dans la rue. Des centres d’urgence étaient ouverts mais tout de même. Certains refusent d’y aller pour des raisons de sécurité, de même qu’une potentielle exposition au Covid.

 

J’ai appris par le biais d’une amie qui a habité au Québec, que certaines personnes restaient dehors jusqu’à -15 degrés.

 

Nous avons aussi eu une grande marée à Vancouver, qui a immergé une partie des berges de la ville. Et nous subissons maintenant notre deuxième rivière atmosphérique. Certains résidents des zones à risques expliquaient qu’ils avaient été évacués jusqu’à 6 fois. 

 

Les francophones du Canada

 

Sur un ton plus léger, avant de savoir que je viendrais vivre au Canada, j’ai dévoré les bandes dessinées de Guy Delisle. Je pense que je suis tombée pour la première fois sur l’une de ses bandes dessinées à Madagascar ou en Australie, ce n’est plus très clair maintenant, dans une Alliance française, un Institut français ou une bibliothèque publique.

 

Les cultures francophones du Canada sont variées et j’ai hâte de toutes les découvrir. Il y a les québécois bien sûr mais aussi tous les autres francophones. En Colombie-Britannique, j’ai trouvé les livres de Pauline Johnson Tekahionwake sur un marché de Noël à Vancouver.

 

Ça passe aussi par les séries télévisées, la culture populaire. C’est un format si commun qu’on oublie qu’il est la porte d’entrée sur une culture. J’ai regardé « M’entends-tu ? », qui se déroule au Québec et m’aide à travailler mon oreille. J’ai aussi vu « La Bolduc » et entendu l’accent gaspésien pour la première fois.

 

J’ai aussi lu récemment un livre de Michel Tremblay et de Matthieu Simard, des auteurs canadiens. Comme d’habitude, je m’arrange pour choisir au hasard des livres qui collent à l’actualité; ainsi, « Une fille pas trop poussiéreuse » parle de la fin du monde. Michel Tremblay était un peu moins sombre. Je démarre « Poisson d’or » de J.M.-Le Clézio, un auteur que j’aime beaucoup.

 

L’unité

 

Je cherchais des cours de danse sur Vancouver et je ne sais pas vraiment vers quoi me tourner. Je me sens plus proche de la danse orientale et de la samba. Je suis tombée sur un haka (danse guerrière maori néo-zélandaise) et ça me fait toujours le même effet, le même effet que lorsque je l’ai vu et entendu pour la première fois : ça me donne des frissons d’admiration. L’unité qui existe dans cette danse, que ce soit pour un enterrement ou un mariage, est puissante. Elle m’émeut toujours aux larmes.

 

Les percussions, surtout graves, accompagnées de voix résonnent fortement en moi, comme un appel cosmique. Beaucoup de choses, sinon tout, se résument à des vibrations. Celles des peaux tendues m’hypnotisent et je me sens absorbée en elles.

 

L’intangibilité

 

Je re-regardais le film « Le Parfum, histoire d’un meurtrier » (adaptation de 2006) et ça m’a ramené sur mon projet de podcast sur l’intangibilité. Je suis sur mon premier épisode sur le courage et il m’en faut pour continuer ce projet. Ce n’est pas toujours facile de se motiver sur un tel projet seule.

 

La mort d’Anne Rice

 

Anne Rice, génitrice d’un renouveau du genre fantastique et surtout de la figure du vampire avec sa Chronique des Vampires et autres cycles du même genre, n’est plus et ça me désole terriblement. J’ai découvert son oeuvre adolescente, alors que je devais faire une fiche de lecture au lycée pour mon cours d’anglais renforcé. J’avais commandé le livre en version originale et je dormais avec mon dictionnaire bilingue pour comprendre les expressions idiomatiques et l’argot américain. Je n’ai pas lâché et j’avais choisi « Le voleur de corps ». C’était un travail très ardu mais tellement intéressant. Je m’endormais comme ça, avec le livre d’Anne Rice et le dictionnaire bilingue ouverts et les écouteurs sur les oreilles, avec le premier album de Muse, « Showbiz ». C’est un très beau souvenir.

 

Le solstice d’hiver

 

Bien sûr, il y a eu les fêtes de fin d’année, Noël et la nouvelle année. Mais ce qui m’a vraiment rendue heureuse, c’est le solstice d’hiver : se dire que la lumière va revenir, qu’on est au début du cycle allant vers des jours plus longs, ça, c’est un vrai cadeau ! Sans jeu de mots, je vois la lumière au bout du chemin.

 

Cette bonne nouvelle vient atténuer le fait qu’un compte-à-rebours a commencé pour moi. Mon permis de travail et donc mon sésame pour rester au Canada expirera dans une dizaine de mois. Il faut que je retrouve impérativement un emploi pour maintenir mon statut et pouvoir rester dans le même pays que mon compagnon. La pression commence à revenir petit à petit. J’essaie de ne pas y céder et de garder la tête froide.

 

L’isolement

 

« Oui mais on vit tous la même chose, tu sais. » Bien que cette phrase parte d’une bonne intention, j’ai du mal à l’entendre sans cesse. Peu ont trouvé d’autres mots plus empreints d’empathie. Épauler quelqu’un pendant un moment difficile, même si on ne l’a pas vécu soi-même, avec quelques mots réconfortants est devenu une chose rare.

 

Après l’épisode de l’aéroport de Montréal, je ne peux pas me risquer à sortir du pays et donc, toute idée de revoir ma famille et mes amis disséminés autour du monde est aussi lointain que l’horizon. J’ai peu d’amis _mais heureusement, de bons_ ici, étant arrivée quelques mois avant la pandémie et ayant tout mon être rivé sur le fait de trouver un emploi en Mobilité francophone, une étape que j’avais clairement sous-estimée, bien vendue par ses promoteurs et si peu attrayante aux yeux des employeurs.

 

Mais voilà, les relations à distance, c’est toujours compliqué. Ma famille et mes amis me manquent. Je croyais pourtant être aguerrie dans ce domaine, ayant gardé des relations épistolaires jusqu’à présent et ce depuis des années. Mais d’un coup, tout le monde a décidé de se refermer sur son cercle, ne prenant même pas la peine de répondre à un message, même virtuel. Étant toujours trop pressé, trop débordé. Et pourtant, les coups de main, les aides aux déménagements, le soutien psychologique, la présence dans des moments difficiles (dangereux ou émotionnellement très éprouvants), rien ne suffit pour garder contact. Je suis vieux jeu: un mot est un mot, une promesse est une promesse et la gratitude se joue du temps pour moi. J’appartiens à un autre monde et je doute souvent de ma place ici.

 

Fort heureusement, le tableau n’est pas si noir et je suis encore en contact de temps à autre avec des amis (es) d’il y a des années. Je ne devrais pas être si déçue, j’entends la phrase résonner... « On naît seul et on meurt seul. » Mais entre les deux, ne devrions-nous pas profiter un peu des liens humains ?

 

Bannir le plastique, un chemin de croix mondial

 

Assez anecdotique : presque tous les pays où j’ai vécu ont adopté l’interdiction de l’usage de sacs plastiques lorsque j’y séjournais. Ainsi, aux Seychelles en 2017, en Malaisie en 2019 et maintenant au Canada. Je ne comprends pas qu’un pays comme le Canada ait attendu si longtemps pour prendre une telle décision.

 

L’interdiction des sacs en plastiques est entrée en vigueur le 1er janvier à Vancouver (article de Radio Canada).

 

La pandémie d’égoïsme

 

Le sujet que je vais aborder risque peut-être d’en froisser quelques uns. Mais j’ai du mal à contenir ma tristesse et ma déception, du mal à voir qu’il faut attendre que la situation atteigne certains dans les remparts de leur intimité pour qu’ils se décident à revoir des positions égocentriques. Il faut attendre de voir, non plus l’ami d’un ami, mais directement son ami, disparaître sous les tubes des respirateurs pour prendre conscience de la situation. Cette pandémie divise et s’insinue dans les relations mais le marasme ambiant m’étouffe trop pour que je reste muette.

 

J’aimerais me tromper lorsque j’ai l’impression que cette situation devient une bataille de la liberté individuelle contre le bien commun. Mais où est la décence, l’humanité ? Quand on pense aux pays qui n’ont pas les labos capables de produire les vaccins, les structures capables d’absorber les malades, le personnel suffisant pour faire face au tsunami de patients, aux malades qui ne peuvent pas payer les frais d’hospitalisation ? Sans regarder plus loin que son propre pays, dit « développé » ou « émergent », on élevait le personnel hospitalier au titre de héros lors des premiers mois de la pandémie et il a suffi de quelques mois supplémentaires pour que tout retombe comme un soufflé. Le Capitole a été piétiné il y a un an, au nom de la liberté individuelle. La démocratie serait-elle sa propre ennemie, discréditée, utilisée comme bouclier de conscience au profit d’un ?

 

Au nom de la liberté de disposer de son corps, peut-on mettre en danger les plus faibles ? Je sais que j’ai déjà évoqué cette information mais elle ne cesse de me travailler : une famille de touristes français avait réintroduit la rougeole au Costa Rica en 2019 (article du Monde). L’affaire n’a pas fait beaucoup de vagues mais je la trouve d’un cynisme effroyable. La famille avait décidé de ne pas se faire vacciner, ni de vacciner ses enfants et voilà qu’un pays entier est à la merci d’une maladie qui avait été éradiquée. Mais dans quel monde vivons-nous ? Comment peut-on croire que les soignants se croisaient les bras avant la pandémie ?

 

Au Québec, les soignants atteints du Covid sont rappelés au travail. Non seulement, ils sont au front depuis 2 ans, n’ont peut-être pas eu de vacances, n’ont pas beaucoup de repos, voient leur vie familiale dégradée mais là, en raison du nombre de cas croissants et de manque de personnel, ils doivent continuer à travailler. Décemment, je pense qu’on ne peut pas décider, car oui, dans les pays développés, nous décidons, par nos choix, du sort de ces personnes. Je ne connais aucune de ces personnes, je n’ai pas de famille ni d’amis travaillant directement à l’hôpital et je pense que nous n’avons pas besoin d’être dans ce cas pour se mettre à leur place.

 

Dernièrement, un bus qui avait été aménagé pour pouvoir vacciner la population à la Réunion a été vandalisé. La honte n’a plus de limites. Ça me rappelle les ambulances et les pompiers agressés, sur lesquels on a jeté des frigos depuis le toit des immeubles, lorsqu’ils se rendaient dans certaines banlieues. Comment peut-on agresser des services publics qui viennent en aide à la population ? Comment ?

 

J’ai trouvé ce beau proverbe arabe dans « Poisson d’or » de Le Clézio : «  La santé est une couronne sur la tête des gens bien portants, que seuls voient les malades. »