Les remous de la tempête automnale

Entre remous du changement climatique en provenance du Pacifique, indécence des anti-vaxx et projets francophones palpitants, les saisons se suivent et ne se ressemblent pas à Vancouver. Bon épisode automnal !

 

Les inondations en Colombie-Britannique

 

Après un dôme de chaleur et des températures au-delà des 40 degrés, la province connaît maintenant des épisodes d’inondations-records, au point que l’état d’urgence ait été enclenchée. Une véritable « rivière atmosphérique » a dévasté des routes, englouti des maisons et poussé des éleveurs à secourir des veaux dans leurs bras, bravant des courants. Si le nom du phénomène météorologique à l’origine de ce déluge prête à sourire et fait davantage penser au nom d’un cocktail (le « Pineapple Express » soit ananas express), ce courant chargé d’air très humide hawaiien montre bien que le changement climatique est pour aujourd’hui.

 

Les images sont choquantes, les témoignages glaçants. De nombreuses personnes se sont retrouvées bloquées dans ou sur leur voiture, quand celle-ci n’avait pas été emportée par les eaux ou les coulées de boue. Les glissements de terre vont bon train : la terre n’est plus retenue par les racines des arbres qui ont brûlés cet été. Sans compter sur l’assèchement d’un lac il y a une centaine d’année du lac de Sumas; de nombreuses exploitations agricoles et surtout de l’élevage se sont développés sur ces terres mais la nature reprend aujourd’hui ses droits. 

 

On ne déplore aujourd’hui qu’un décès dans une coulée de boue mais la situation à moyen et long-terme est dramatique pour des familles sans toit, dans des régions où les températures sont déjà négatives. Fort heureusement, dans tout ce chaos, on entend aussi des nouvelles plus réconfortantes : des voisins ou même des étrangers accueillent les rescapés, leur offrent un toit, de la nourriture et du soutien.

 

La Source me ressource

 

Dans quelques semaines, cela fera deux ans que j’écris pour la section française du journal La Source, étendard de la diversité et du bilinguisme à Vancouver. J’écris des articles et je gère bénévolement les réseaux sociaux du média.

 

Deux ans qui m’ont permis de rencontrer des artistes, francophones ou pas, des acteurs remarquables de la communauté, au service de la diversité. Je suis arrivée quelques mois seulement avant la pandémie et le journal m’a permis de rester à flot. Beaucoup m’ont inspiré, sinon tous.

 

J’ai été très touchée de recevoir un message récemment, d’une artiste que j’avais interviewée, me disant qu’elle trouvait l’article très beau et qu’il lui donnait « des ailes ». J’ai failli ne pas finir mes études en journalisme; j’avais été effrayée par la puissance de ce pouvoir et je ne voulais pas heurter qui que ce soit car nous sommes humains et donc soumis à l’imperfection. Heureusement, un enseignant a changé ma perspective et m’a expliqué que les bénéfices que nous pouvions apporter à la société en tant que journaliste, les bonnes initiatives qu’il nous faut mettre en lumière. Je lui suis toujours très reconnaissante de m’avoir rattrapée à ce moment.

 

Tout comme pour l’enseignement, j’essaie de toujours être vigilante par rapport aux conséquences sur l’humain. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai décidé de reprendre les études, de me former correctement pour pouvoir transmettre correctement. Je ne trouvais pas la bonne volonté suffisante. 

 

Je crois aussi à l’apprentissage en continu. Nous apprenons de tout le monde, jusqu’à la fin de notre vie. Ça sonne un peu comme une vérité de Lapalice mais combien de fois avons-nous entendu des personnes rechigner à se former ou re-former ? À douter ou juger le formateur ou la formatrice ? Je me souviens d’une fois, à Madagascar, d’avoir été recadrée sur ma façon de jouer au badminton par un enfant d’environ 7 ans. C’était vraiment un pro et j’étais vraiment contente qu’il me montre la posture correcte. Mais je sais bien que l’humilité est une valeur désuète aujourd’hui et tant pis pour ceux qui ne savent pas l’apprécier.

 

La communauté francophone de Vancouver

 

Je prends enfin le temps de rencontrer les différents acteurs de la communauté francophone de Vancouver. Entre la pression pour l’obtention d’un permis de travail et le début de la pandémie, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de rencontrer beaucoup de monde, dont les institutions francophones. 

 

La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique et La Boussole sont des institutions incontournables à Vancouver et j’étais très contente de rencontrer certains de leurs membres. Entrer en contact avec des francophones à l’étranger peut réserver des surprises, autant bonnes que mauvaises et sans doute comme dans d'autres communautés. Lors de mes différentes expériences de migration (Australie, Madagascar, Seychelles et Malaisie), j’ai eu l’occasion de voir certains profils et attitudes revenir, aussi bons que très éloignés de mes valeurs. 

 

Je me souviens d’un Français dans l’un des pays que j’ai arpenté, très égo et ethno-centré, en proie à une solitude telle qu’il voulait se lier d’amitié avec de parfaits inconnus. Il avait très bien réussi, roulait dans de belles voitures mais était délaissé par ses enfants et en souffrait terriblement. Il a disparu lorsqu’il a vu que mon compagnon et moi ne partagions pas cet amour de l’argent et que nous vivions heureux très simplement.

 

Cependant, je pense qu’il était très content de pouvoir exprimer ses sentiments dans sa langue maternelle. J’ai toujours été intriguée par la perte de la langue maternelle. Le terme scientifique est « risque d’attrition de L1 » et existe bel et bien. Apparemment, c’est comment si la langue maternelle se mettait en retrait dans notre cerveau et il faut donc faire beaucoup d’efforts pour retrouver les mots. On n’est pas à l’abri des erreurs mais elles s’effacent une fois qu’on se remet dans un bain linguistique.

 

Le théâtre-forum

 

L’expérience de théâtre-forum avec le projet « Les Éloquentes » pour dénoncer le sexisme est vraiment très intéressante. Cette méthode développée par Augusto Boal a pour but de rendre visible les injustices aux yeux de tous, victimes, oppresseurs, témoins apathiques. C’est une véritable construction collective et sociale. Nous discutons tous sur les différentes issues.

 

C’est un travail intense car nous allons chercher au fond de nous-mêmes. On peut se questionner sur nos actions et inactions précédentes, sur les façons d’avoir réagi ou pas réagi par rapport à une agression. Durant les répétitions, nous jouons nos saynètes mais également les potentielles interventions du public. J’avoue que ça a été une expérience intense pour moi car j’avais l’impression qu’on me donnait soudain un pouvoir trop grand pour moi, le pouvoir de répondre, de ne plus baisser la tête, les yeux, de dire ce que je pense vraiment. Mais c’est aussi terriblement libérateur de pouvoir agir comme on aurait voulu le faire dans la situation donnée.

 

Les représentations sont pour bientôt et j’ai hâte de voir le public s’emparer de ce pouvoir et de réfléchir aux façons de gérer ces situations.

 

L’automne et les saisons 

 

Un séjour à Sooke sur l’île de Vancouver m’a permis de voir beaucoup de couleurs automnales, qui ne se limitent pas seulement aux feuillages des arbres. Les ciels et la mer soumis aux brusques changements du temps sont magiques. L’automne est la saison la plus exotique lorsqu’on vient d’un pays chaud à mon sens. Je sais qu’on évoquera l’hiver et la neige mais les nuances sont principalement limitées au ciel alors qu’en automne, c’est tout l’environnement qui change. Les arbres qui se dénudent et la perte de lumière du jour sont spectaculaires lorsqu’on vient des tropiques.

 

J’ai profité de ma visite à Victoria, plus grande ville de l’île pour aller à la rencontre du centre Issamba. C’est le seul centre culturel africain de la province et j’étais très contente de voir tous ces drapeaux sur le mur et d’y reconnaître les étendards mauriciens et seychellois. Nous avons un drapeau officieux de la Réunion mais il est surtout un clin d’oeil pour la communauté réunionnaise. Je suis africaine. Je suis aussi française, caucasienne, indienne et encore mille autres choses probablement. Je me souviens de ce truc des quarts et de l’identité fractionnée, 10% de ceci ou cela, pour ma part, c’est flou et je me sens tout ça en même temps : française, réunionnaise, africaine, indienne, génétique, culturel, maintenant asiatique via mes recherches sur les racines de mes racines et mon compagnon.

 

J’y ai dégusté l’un des meilleurs chowders (soupe de fruits de mer typique, à base de crème ou de tomate suivant les régions) de Victoria mais au prix d’une odeur tenace de friture sur mes vêtements, comme si les gouttes d’huile étaient suspendues dans l’air !

 

Les anti-vaxx aux commémorations du 11 novembre

 

J’avais déjà été choquée par les réactions des gens qui refusent le vaccin en brandissant la liberté de choix à tout bout de champ alors que des infirmières s’étaient suicidées parce qu’elles pensaient avoir transmis le virus à des patients involontairement. Ces informations mises côte à côte sont tout de même insupportables. En ce weekend de commémoration, des antivax ont perturbé une cérémonie à Kelowna. Est-ce vraiment le moment ? Je plains ces pauvres vétérans qui se sont battus pour cette même liberté, de la voir ainsi foulée du pied pour se dispenser du port du masque ou de refuser un vaccin, si difficile à obtenir et/ou à prix d’or dans des pays moins fortunés.

 

L’écriture, fil d’Ariane... ou de Nathalie

 

Je suis heureuse de faire partie des projets francophones : le théâtre-forum et maintenant l’animation d’ateliers d’écriture à la Boussole. Cet organisme d’aide à la communauté francophone porte un très beau projet portée de la plume, très touchant, des échanges épistolaires, quelque chose de si intime. C’est un drôle de clin d’oeil du destin car j’ai toujours écrit et envoyé des lettres et j’en écris toujours. Beaucoup pensent sans doute que c’est vieux jeu, qu’on lit ce pli soigneusement écrit à la main d’une traite dans un monde au consumérisme galopant. Mais qu’importe, je prends toujours le temps de raconter, de me confier de cette façon si intime à mon sens. Bien que j’adore le son, mes premières amours vont au papier.

 

Écrire à la main à une personne qu’on chérit est un processus particulier aujourd’hui : on prend le temps de penser aux mots formulés, on essaie d’être lisible, bref, on prend du temps pour l’autre. Mais je sais que ce n’est pas du goût de tout le monde, que ça prend du temps et je suis déjà bien contente d’avoir des petits messages électroniques !