Mise en route

Ca y est, j’ai enfin pris mes fonctions au Centre de Presse Malagasy. Comme il est bon de sentir que l’on va être utile après tant d’attente !

 

Je vais finalement me charger de développement et d’animation pour le Centre : un programme très excitant ! Le Centre organise des animations (ateliers, conférences de presse, formations) et je suis très contente de prendre part à tout ça.

 

Le directeur du Centre a évoqué des valeurs qui me sont chères lors de notre première rencontre : savoir-faire, savoir-être et quête vers l’excellence. Je viens remplir ma mission en toute humilité et je vais apprendre beaucoup de cette expérience.

 

 

 

Les mandarines ondulantes

 

 

 

La Beauté est partout, en témoigne ce moment magique pour qui sait voir. Un matin, notre bus cahotait comme souvent sur les pavés irréguliers. La foule du marché était compacte autour de la carcasse métallique du véhicule. De loin, tout semblait anarchique et même absurde avec des marchands de tout et n’importe quoi. Les couleurs même semblaient mettre leur grain de sel et préférer la dissonance ce matin-là.

 

Mais l’espace de quelques secondes, une file de femmes de dos avec des paniers plein de mandarines juchés sur le crâne s’est mise à onduler comme ce mouvement d’herbe hypnotique dans le vent, ce moment où le terrestre imite à la perfection l’onde. C’était un beau moment que j’ai partagé avec François. Un moment simple et beau. Dans notre petit bus bondé du matin.

 

 

 

La misère

 

 

 

Je n’ai pas encore abordé ce point et pourtant, elle vous prend à la gorge dès la sortie de l’aéroport. Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde.

 

Les haillons, la mauvaise santé de certains (un homme marchait avec un pied totalement à l’envers) et le dénuement de certains en témoignent.

 

C’est dur de voir ça mais j’ai toujours mis une certaine distance. Je ne pense pas être plus forte que quelqu’un d’autre mais l’argent n’est pas la meilleure réponse.

 

Bien que je n’ai jamais ni vécu dans l’opulence, ni consommé de façon frénétique auparavant, je me suis vraiment tournée vers la sobriété depuis que je suis partie en Australie. J’ai toujours été révoltée par le gâchis et ce que j’ai pu voir en Australie atteignait parfois des sommets. Il ne faut même pas essayer de comparer l’Australie à Madagascar sur ce point. Mais c’est dans ce pays d’abondance et de vie peu chère que je me suis tournée vers un mode de vie plus simple. Ca ne veut pas dire qu’on ne se fait pas plaisir de temps à autre : sobriété ne rime pas avec rigorisme. Mais c’est l’évidence du respect de ce qui nous entoure : la nature qui a fourni des efforts pour produire la nourriture, l’énergie, tout ce dont nous dépendons.

 

Je me souviens lors de mon passage en 2006 de cette misère déjà très présente, des enfants qui vous assaillent car vous êtes étrangers donc riches. Cependant, les enfants ne s’accrochaient pas trop à moi à l’époque car j’étais tout de même mal vêtue (en prévention). Aujourd’hui, je me balade avec François, un vahaza (prononcez « vaza ») et du coup, les mendiants sont plus insistants. En revanche, on m’a dit que je ressemblais à une karana (« karane ») donc ils gardent leur distance. Les karana sont une communauté venue d’Inde et font partie pour certains de la haute société malgache ; ils ont beaucoup de pouvoir et d’argent. Ils sont craints par les autres malgaches.

 

 

 

Les habits du moine

 

 

 

C’est drôle toutes les origines que l’on peut me prêter. A Nantes déjà, en CM2, des élèves faisaient la danse du ventre sur mon passage, croyant que j’étais d’Afrique du Nord. A Paris, j’étais clairement cataloguée maghrébine. Pour mon tout premier emploi, à l’ANPE de Villejuif en région parisienne, des demandeurs d’emploi me parlaient en arabe. Le contexte étant particulier (après le 11 septembre 2001), j’ai aussi été insultée.

 

Cependant, on a pu m’attribuer des origines plus exotiques telles que l’Inde, le Brésil, la Polynésie ou encore l’Espagne ou l’Italie.

 

 

 

Prendre ses marques

 

 

 

Je commence à prendre mes marques après deux semaines. Je sais maintenant où prendre le bus, quel bus et monter en marche. Nous sommes maintenant bien installés dans notre petit appartement.

 

Quand peut-on parler d’habitudes ? Faut-il attendre quelques jours, des semaines, des années ?

 

Je m’habitue à notre ami à plumes qui nous rend visite tous les matins vers 6h30.

 

Cependant, s’il y a une chose à laquelle je ne m’habitue pas, c’est bien la densité de la ville (dense cité !). Pour l’instant, je trouve toujours que ça me demande beaucoup d’énergie de faire face au soleil (ici très ardent _oui, ça paraît un thème léger sorti de nulle part mais pourtant, ce soleil est agressif pour les yeux et mes prunelles sont déjà bien fragiles_), faire attention à l’endroit où je pose mon pied, à la circulation, à mes poches, à ce moment drôle ou insolite que je viens de rater car je regardais attentivement où je posais mon pied et à je-ne-sais-quoi encore.

 

On m’avait dit « on vit plus [plus intensément] à Mada ». C’est vrai que certaines choses sont plus intenses. Le goût des légumes est clairement plus intense, les particules de pollution sont plus intenses, le désir et la volonté de certains humains sont plus intenses.

 

 

 

Taxi be

 

 

 

Je reviens encore sur les bus car finalement, le trajet dans ces « taxi be » est source de beaucoup d’anecdotes et occupe tout de même presque 3 heures de ma journée. Concernant les particules de pollution, il m’est tout de même arrivé de voir déferler à l’intérieur d’un taxi be, où nous étions plus tassés que des sardines, une fumée bleutée qui n’avait rien à voir avec un feu de bois ou une fumée de discothèque.

 

Prendre le « taxi be », c’est aussi partager des moments très intimes avec les autres passagers. Un matin, j’étais « assise » à côté d’une mère qui allaitait son enfant et ses petits pieds tapotaient de contentement ma cuisse.

 

Au passage, je me résigne un peu face à la pollution car même à l’intérieur des bâtiments (bureau et maison), on sent les pots d’échappement… La seule action que j’envisage, c’est d’utiliser régulièrement mon spray isotonique.

 

J’ai constaté qu’il existe deux types de taxi be ; les « grands » qui doivent probablement desservir des destinations plus lointaines, les campagnes et les « petits » qui doivent sans doute rester en ville. J’ai la chance d’avoir le grand format pour les trois quarts de mon trajet. Mais je suis toujours obligée d’être assise sur une fesse pendant presqu’une heure. Pour le petit format, c’est une autre histoire. Ces bus sont des mini-mini-bus : ils sont petits et bas. Lorsque je rentre dans ce bus (toujours en marche), j’ai l’impression qu’on bourre le tambour d’une machine à laver. Sauf que j’ai tout de même des os…

 

 

 

Suivi de lecture et médias

 

 

 

J’ai fini « Chroniques de Madagascar » et « Imerina » d’Eric Nonn. Les « Chroniques » étaient très intéressantes et variées. J’ai vraiment été saisie par la beauté de l’écriture de Lila Hanitra Ratsifandriahamanana (« Le kéré »). « Imerina » était bien aussi, sur la vie de Jean-Joseph Rabearivelo, grande figure littéraire malgache.

 

Je n’ai pas encore pu trouver de radio mais nous écoutons la radio sur le téléphone portable de François. Nous essayons d’écouter les journaux en malgache mais nous ne maîtrisons pas assez la langue pour ça ! Nous écoutons donc RFI et BBC Afrique.

 

Nous avons mis du temps à avoir internet car tout prend du temps ici, surtout depuis que je travaille.

 

 

 

ROI (Retour sur Intention)

 

 

 

Je sens que j’ai bien fait de me réinvestir dans l’écriture. J’écris parce que j’aime partager. Un point de vue, une expérience. Et je sens que mon objectif est atteint car je reçois des messages en privé de lecteurs qui me réchauffent le palpitant et je vous en remercie infiniment pour vos commentaires publics et privés.

 

Je sens que vous êtes là, avec moi, sur cette rue encombrée d’Itaosy ou en face de ce plat malgache dont je ne peux pas encore me souvenir du nom, que j’essaie timidement de prononcer, et même le soir, lorsque je m’endors sous cette moustiquaire aux airs de baldaquin.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Dominique Deubras (dimanche, 24 juillet 2016 17:28)

    je viens de lire cette page, et j'ai beaucoup aimé ton style d'écriture.
    Cela donne envie de continuer à lire toutes tes aventures dans ce pays.
    j'ai hâte !!
    Bonne continuation !